Jean-Pierre LELEUX

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Les champs de jasmin ont imprégné mon enfance et mon adolescence.
L’été, dès l’âge de 5/6 ans, j’accompagnais mon père, à l’aube, livrer le pain et le lait à toutes ces familles de la campagne grassoise qui vivaient là avec une seule préoccupation, la cueillette de cet « or blanc » qui faisait vivre le Pays. Ces familles qui, presque toutes, étaient déjà levées, hommes, femmes et enfants, courbés sous le soleil naissant, dans ces raies blanches et vertes, des champs de jasmin éclos dans la nuit.
J’étais fasciné par ces étendues de fleurs odorantes avec la senteur desquelles, la veille, fenêtres ouvertes, je m ‘étais endormi.
Adolescent, je pris ma part à cette cueillette et à la dure mission de « ramasser » le plus possible de ces fleurs, à la fragilité gracile et à l’odeur sublime. Ces fleurs qui allaient, en fin de matinée, rejoindre « l’Usine » et offrir, grâce aux techniques locales de distillation et d’extraction, les précieux nectars que l’on retrouverait dans les flacons exportés dans le monde entier.
 
J’ai mis du temps à comprendre le sens et l’importance de ce cadeau que, chaque matin, ces familles faisaient au monde entier.
 
J’ai mis du temps à comprendre la somme d’amour, de gestes, de savoirs, de méthodes et de techniques que les « gens d’ici » avaient dans leurs têtes, dans leur âme et dans leurs mains, et dont ils avaient hérité de leurs parents qui les avaient, eux-mêmes hérités des leurs.
 
Ce n’est qu’à l’âge adulte que j’en mesurai la valeur.
 
Oh non ! Pas la valeur financière. Mais la valeur humaine !
 
Je constatais, dans une société de plus en plus consumériste et mondialisée, que cette valeur-là était dangereusement menacée : "toujours plus” de béton au détriment d'un paysage parfumé..."toujours plus" de produits synthétiques au détriment de la plante à parfum, “toujours plus” de mécanisation au détriment de la grandeur du travail de l'Homme....
 
On ne cultive, ni ne crée, un chef œuvre en un jour !
 
Devenu maire de la Ville de Grasse, partageant le désir manifesté par des praticiens et praticiennes détenteurs de connaissances et savoir-faire multiséculaires, mais aussi par des habitants fiers mais soucieux d’un patrimoine culturel qu’ils savent menacé, j’ai pensé qu’il ne fallait pas laisser s’éteindre la transmission des savoirs et la magie de ces métiers que les gens ignorent tant quand ils hument, avec délice, un Parfum.
 
Il fallait d’abord exprimer une reconnaissance à l’égard de toutes ces générations de paysans, d’ouvriers, de techniciens, de parfumeurs, qui avaient fait notre Histoire.
 
Ensuite, il fallait espérer que cet hommage rendu à ces générations passées redonnent le goût à de plus jeunes familles de reprendre le flambeau.
 
C’est dans cet esprit que je suis devenu un ardent serviteur de la préservation et de la mise en valeur de ce patrimoine culturel immatériel qui appartient et en premier lieu, à l'Humanité.
 
 
Jean-Pierre LELEUX
Sénateur des Alpes-Maritimes
Maire Honoraire de GRASSE
Président de l’Association Patrimoine Vivant du Pays de Grasse

Président de l'Association Patrimoine Vivant du Pays de Grasse, Sénateur des Alpes Maritimes, Maire honoraire de Grasse